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Design et Marque, un double regard
January 2022
Cyriaque Billard
Au quotidien, l’identité de la marque Orange est un repère essentiel dans mon activité de designer, et son évolution a rythmé mon parcours dans l’entreprise. Au fur et à mesure de celui-ci, j’ai pris conscience de la valeur de la marque et combien chacun en est dépositaire et garant dans ses fonctions.
Ma première expérience de mise en œuvre de l’identité de marque fut lorsque j’ai commencé à réaliser des outils d’aide à la vente pour la force commerciale du marché entreprises. J’intervenais en tant que responsable marketing opérationnel, au sein d’une petite entité. Sur un marché en très forte croissance et concurrentiel, la marque devait être perçue comme solide et cohérente à travers les supports variés qui étaient produits.
Je suis par la suite devenu designer, en me spécialisant dans le design d’interface appliqué aux sites web d’Orange.
Le design d’interface, vecteur de notre identité de marque
Le design d’interface est omniprésent dans notre quotidien. Dans nos voitures, nos télévisions, nos robots ménagers, nos montres, nos ordinateurs, ou encore tablettes et téléphones mobiles. L’interface est cet intermédiaire multisensoriel entre nous, les utilisateurs, et un système parfois complexe. Grâce à elle, nous contrôlons ce système, le commandons, afin de connaître l’heure, une quantité d’essence restante, le programme TV de la soirée, acheter un livre ou commander son dîner sur un site internet ou une application. Le design d’interface, dans le prolongement du design UX, vient matérialiser une expérience agréable, efficace et utile.
Nos sites internet intègrent les caractéristiques distinctives de notre marque, rassemblées sous le mot “Identité”. L’identité d’une marque permet l’attribution, la mémorisation, la référence et l’assurance car elle est présente dans tous les produits et services et points de contacts, digitaux et physiques avec les prospects, clients et institutionnels. L’identité c’est un logo, des couleurs, une typographie, des images, des icônes ; mais c’est aussi du son, des mots, la tonalité de l’expression orale et écrite, des modes d’interaction sur les différents canaux physiques et digitaux. Ces points de repères sont le reflet d’une personnalité et contribuent à forger la singularité d’une marque. L’identité est donc capitale. Elle est un élément de compréhension, de conquête, de préservation et de pérennisation de notre entreprise.
J’ai travaillé en tant que designer sur plusieurs projets de passage à la marque Orange dans des pays où Orange avait acquis un opérateur local préexistant. J’ai aussi eu l’opportunité de former les designers et communicants sur les zones Europe et AMEA, à nos chartes d’identité de marque et de design web. J’ai alors mesuré combien le designer est garant de l’identité de marque, mais également contributeur majeur de son évolution, dans le contexte d’une entreprise multimarchés, multiproduits et services, et enfin multiculturelle telle que Orange.
Le designer, pour donner corps à cette identité et l’éprouver
Dans sa pratique quotidienne, chaque designer vient donner corps à cette identité de marque. Le UX designer en créant des expériences qui répondent aux besoins des utilisateurs. Le designer d’interface en manipulant l’identité visuelle de la marque, incarnée dans son logo, ses couleurs, sa typographie, son imagerie et son iconographie, ainsi que son identité sonore et le ton de sa prise de parole. Et en cela il est un partenaire essentiel pour ses collègues “communicants” qui sont chargés de penser et faire évoluer cette identité dans le temps.
Lorsqu’en 2016 notre identité de marque a évolué pour intégrer les cadres et découpes issues du logo Orange introduisant les univers d’usage, j’ai eu l’opportunité de travailler avec l’équipe cœur à l’élaboration des principes de déclinaison de ces éléments graphiques sur les interfaces web. Ces éléments étaient capitaux du point de vue de la marque car visuellement, ils marquaient de façon très forte une étape majeure de son évolution. Mais les contraintes d’implémentation de ces éléments graphiques dans un environnement digital se sont rapidement révélées plus lourdes qu’initialement envisagées. Designers et communicants ont donc travaillé en étroite collaboration, pour trouver des solutions de design permettant le compromis entre le besoin de mettre en œuvre cette nouvelle identité et la nécessité de bâtir des interfaces qui restent simples et efficaces.
Ce dialogue et cet échange continu au sujet de la réalité du design en regard des intentions de communication nous a permis d’arriver au constat partagé que ces éléments n’étaient pas viables. Cela couplé à des études défavorables sur l’appréhension de ces mêmes éléments par les clients exposés aux communications d’Orange, a conduit à leur retrait de la charte d’identité de marque en 2018. Ceci illustre comment Marque et Design sont deux domaines d’expertise qui interagissent particulièrement étroitement pour se nourrir de l’expérience quotidienne de ceux qui les pratiquent, et des retours d’expérience des utilisateurs adressés.
Le designer, promoteur et ambassadeur de la marque
Chez Orange, au sujet de notre marque, nous parlons de “traits de personnalité” : la proximité, la simplicité, le dynamisme et l’optimisme. Connaître ces traits est important car dans la pratique de design, les expériences et interfaces digitales que nous concevons sont des vecteurs de cette personnalité. Qu’il s’agisse de l’usage de la typographie, de la couleur, de l’imagerie, de l’iconographie, de la mise en page ou encore du ton de l’écriture ; ces éléments visibles portés par une expérience utilisateur simple et responsable contribuent à ancrer le design dans une identité de marque identifiable et mémorable. Ce type de questionnement, le designer se l’applique à lui-même, mais également dans ses interactions avec ses interlocuteurs product owner, chef de projet ou développeur. Il a un réel rôle de sensibilisation, et parfois d’évangélisation à la faveur de son activité. Il se fait alors le relais de ses collègues communicants.
La marque, entre norme et souplesse
Il arrive que l’on objecte que le cadre de marque est trop strict ou qu’il bride la créativité. L’implémentation de l’identité de la marque Orange sur le numérique est effectivement encadrée. Mais c’est le cas pour toutes les grandes marques ; Orange n’est pas une exception. Notre marque évolue régulièrement, mais de façon raisonnée afin de pouvoir rester singulière et mémorable. Orange à changé de typographie en 2016, a introduit des couleurs secondaires, a introduit un petit logo, a fait évoluer son style photographique, ou encore celui de ses composants d’interface web, et des composants mobiles au fil des versions des systèmes d’exploitation natifs. Mais dans un groupe de plus de 20 pays dont l’activité s’étend sur 3 continents, ces changements doivent être pensés pour être transversaux et le plus pérennes, car ils se traduisent par une “attribution à la marque” en hausse ou en baisse, mais aussi par des investissements financiers conséquents pour le Groupe et ses entités lorsqu’il s’agit de penser et mettre en place une nouvelle identité sur une multitude de points de contacts. Tout designer doit avoir conscience de ces tenants et aboutissants lorsqu’il questionne le cadre de marque.
Le cadre d’identité de marque offre des latitudes. Les couleurs secondaires en sont un exemple. En France, Orange a souhaité ne plus les utiliser et se limiter aux couleurs coeur. Mais en Afrique, nos filiales souhaitent parfois encore plus de couleurs. Il faut donc concilier ces deux positions dans un cadre de marque qui soit à la fois normatif dans les couleurs secondaires à utiliser, mais qui laisse le choix de les utiliser ou pas. Il y a ainsi des intangibles comme le logo, les couleurs principales ou les icônes, mais également des opportunités de souplesse quand il s’agit de typographie, d’imagerie, de mise en page ; cette souplesse est alors justifiée par des nécessités de ciblage marketing, techniques ou encore culturelles.
L’identité, terrain de jeu du designer
Alors, qu’est-ce qu’être créatif lorsque l’on doit concevoir l’interface d’un service digital dans un cadre relativement normé ? Le designer a de multiples éléments à sa disposition dans le cadre de marque pour structurer, hiérarchiser, symboliser, illustrer et rédiger. C’est là qu’il est attendu, et dans cet exercice il peut s’autoriser de déformer les bords du cadre d’identité sans le briser. Cette démarche est bénéfique pour la marque car elle démontre qu’une identité peut prendre de multiples aspects et amène des pistes d’exploration pour des évolutions futures.
C’est cette démarche d’étirement du cadre, qui a orienté le travail de conception d’un nouveau style visuel associé à une nouvelle méthode de navigation, à destination des applications multiservices sous la marque Orange. Ce travail de design déployé sur l’application My Orange à été récompensé d’un Red Dot Award en 2021.
Le designer s’inscrit donc dans un cadre de marque. Il l’incarne dans les produits et services qu’il conçoit, et contribue à modeler cette identité au quotidien en éprouvant ses opportunités et testant ses limites. Il est donc le dépositaire de l’identité d’Orange et ce double regard est nécessaire, fructueux et indispensable.