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Design d’expérience : le défi de sa mise en pratique par les équipes projets
January 2021
Zalihata Ahamada et Henry Pichat
« Ah tu fais du design d'expérience... et ça sert à quoi ? »
Heureusement, il est devenu très rare aujourd'hui d'entendre ce genre de question au sein d'Orange Business Services (OBS) ! Cela fait en effet maintenant 4 ans que l'acculturation au design thinking est à l’œuvre, que cela soit à travers de la formation, dont « CX Makers » est un exemple, ou du coaching ciblé sur des projets stratégiques. Pour autant, de la connaissance théorique à la mise en pratique opérationnelle, il y a un fossé que les équipes projets franchissent étapes par étapes. Essayons d'en comprendre les raisons.
« C'est bien beau le design d'expérience, mais moi j'ai des objectifs à atteindre ! »
Au niveau le plus macro, force est de constater que les processus d’entreprise ne sont pas toujours alignés avec ceux du design d’expérience. Dans un environnement où il faut, avant tout, atteindre des objectifs opérationnels, l’intérêt de l’unité d’affaires passe avant celui du client, qu’il soit interne ou externe à l’entreprise. Corollaire du fonctionnement en silo, chaque entité se concentre sur ses objectifs, parfois en contradiction avec les attentes du client et des collaborateurs. Pour résumer : chacun son langage, chacun ses jalons, chacun ses processus, et chacun ses objectifs ! Malheureusement, s’il n’y a que des ambitions des entités marketing, IT et métiers, il n’y a plus de place pour le design d’expérience. Il est donc nécessaire d’abandonner une focalisation exclusive sur ses objectifs et de replacer l’humain au centre de la réflexion.
« Accéder à la voix du client, c'est possible ça ? »
Au niveau des équipes, qu’elles soient marketing ou opérationnelles, rares sont celles qui prétendent déjà tout savoir de leur client, à quelques exceptions près (« de toute façon, les clients on les connait déjà », « moi, je sais ce que veut mon client »). Néanmoins, il leur est souvent difficile d’accéder au bon moment et de façon qualitative à la voix du client. En fait, les moyens ne manquent pas (forums, séminaires, échanges avec les équipes commerciales ou le service client…), mais ils ne sont pas aussi structurés qu’une recherche utilisateur en design d’expérience. Pour cela, les équipes marketing et opérationnelles peuvent compter sur les enquêtes récurrentes faites par l’équipe Voix du Client avec les cabinets d’études externes ou des tests effectués ponctuellement et de façon sélective par le Centre de Test Client, principalement sur des problématiques d’ergonomie et d’appétence.
Il est toutefois nécessaire de lancer une procédure appropriée pour solliciter l’Equipe Voix du Client et le Centre de Test Client, car il s’agit de petites équipes qui ne peuvent adresser à chaque fois qu’un nombre limité de problématiques. Par ailleurs, cela nécessite d’avoir au préalable identifié une problématique, par exemple, en analysant les données clients.
« Des chiffres, j'en ai plein. Mais qu'en faire ? »
Analyser les données clients… vaste tâche ! Certaines équipes sont littéralement abreuvées de résultats chiffrés : Net Promotor Score (NPS), Customer Effort Score (CES), niveau de consultation des pages web… Reste à pouvoir interpréter ces chiffres, auxquels s’ajoutent les verbatims, collectés lors d’études qualitatives, mais pas toujours pris en compte dans notre culture d’entreprise plus à l’aise avec les chiffres. Il faut donner du sens à ces données et arriver à les exploiter dans un contexte de projet, comme par exemple le lancement d’un produit. Mais ce n’est pas le seul obstacle qui se dresse sur le chemin d’une démarche de design d’expérience.
« Désolé pour le design d’expérience, je ferai ça après, quand j'aurai le temps »
D’après mon expérience, les méthodes et outils appris en formation Design d’expérience sont perçus par les participants des formations comme étant intéressants, mais difficiles à insérer dans les processus standards de lancement d’offre. « Comment je transforme mon “experience map” (carte d’expérience) en une solution pour mes clients ? » s’interrogent souvent les chefs de produit. En effet, à chaque passage en comité, on demande, avant tout, aux chefs de produit de fournir des livrables qui ne prennent pas encore en compte le design d’expérience. Cela encourage les équipes projets à considérer que la méthodologie du Design d’expérience – le “customer journey” (parcours client), les persona… – constitue le livrable, une fin en soi, alors qu’elle n’en est que le moyen. En réalité, il faut dépasser la connaissance comme livrable et l’intégrer comme un levier d’action, pour prototyper et tester, bref designer enfin la solution !
« On est déjà agiles, ce n’est pas déjà du design d'expérience ? »
désalignement entre ce qui est souhaité par les équipes marketing et ce qui est produit par les équipes de développement. En effet, dans certains cas, les équipes marketing et opérationnelles font un travail d’identification des besoins clients et de définition d’une solution mais, à la suite d’incompréhensions, le livrable fourni par les équipes de développement ne correspond pas à ce qui était attendu.
Les raisons de ces incompréhensions ? La difficile coordination entre l’implémentation du design d’expérience dans les équipes marketing et l’implémentation de l’agilité du côté des équipes IT. Si l’implémentation des méthodes agiles est évidemment une très bonne chose, elle se fait de manière décorrélée et au dépend du design d’expérience, avec un vocabulaire spécifique et des procédures distinctes. Pourtant l’agilité et le design d’expérience sont des thématiques sœurs qui, dans le meilleur des mondes, devraient s’imbriquer. D’autant plus que l’agilité est un travail par itérations qui doit être alimenté par l’expression du besoin client, et devrait donc normalement inclure un processus de test et de validation par le client. C’est, aujourd’hui, l’ambition que s’est fixée l’équipe Design Thinking.
« Et maintenant on fait quoi ? »
Le coaching et les formations ont déjà permis aux designers d’OBS de participer à des projets et de disposer de relais au sein des unités d’affaires. L’objectif de la formation CX Makers était double : acculturer et faire mettre en œuvre des méthodes. Le premier objectif est atteint. Il reste à atteindre le second. À cette fin, nous sommes en train de développer une nouvelle version de la formation CX Makers. Il faut maintenant passer de l’acculturation à l’appropriation, faire que le design d’expérience ne soit pas juste une cerise sur le gâteau mais le gâteau lui-même, c’est à dire une démarche au cœur du projet.
À nous, designers, de donner envie à l’entreprise et à ses collaborateurs de pratiquer le design d’expérience !