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Devenir designer de chatbots
September 2019
En novembre 2017, Austin Beer est venu animer un atelier chez Orange sur le design d’expérience utilisateur appliqué aux chatbots. Prêt à mettre ses compétences en design au service de tous, des oncologues aux téléspectateurs, Austin Beer adore résoudre les problèmes importants et complexes. Il s’appuie sur une approche centrée utilisateur très collaborative et s’interroge sur la façon d'associer confiance et intelligence artificielle. J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec lui lors de son passage à Paris.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Austin Beer : Pour commencer, j’adore travailler avec les gens. J’adore le travail en équipe. J’adore travailler avec des personnes qui ont des connaissances éclectiques. Cela contribue à créer une équipe collaborative très mixte. C’est ce qui me motive. Ensuite, j’aime bien aider les gens de manière très concrète, à résoudre des petits, mais aussi des grands problèmes, qui leur tiennent à cœur. Ce qui constitue leur quotidien. J’aime travailler dans ce cadre, en rendant les choses un petit peu plus attractives, un petit plus décalées, et un petit peu plus simples… Pour me définir, je dirais que je suis à la fois loufoque et tactique.
En quoi consiste votre métier ?
Austin Beer : Je suis designer. Chaque jour, je résous des problèmes. Parfois, je dis que je suis web designer. C’est ce que je dis aux gens qui ne comprennent pas bien ce que cela signifie d’être designer. Je me vois aussi comme un facilitateur, qui aide les autres à résoudre les problèmes. Cela consiste à leur donner des outils et des idées pour aborder le problème sous un angle très différent.
Il peut s’agir de problèmes de personnes, de travail collaboratif, de conception pour d’autres personnes, de conception de systèmes qu’ils ne comprennent pas bien… de problèmes relationnels. J’utilise même ces mêmes méthodes de design pour résoudre des conflits familiaux. Principalement, mes propres conflits familiaux, et parfois ceux des autres. Et même pour définir ce que je veux faire de ma vie par la suite ou aider d’autres personnes à savoir ce qu’ils veulent… toutes sortes de problèmes.
Comment en êtes-vous arrivé à ce que vous faites actuellement ?
Austin Beer : Progressivement, en tâtonnant. J’ai l’impression d’être né pour faire ce que je fais aujourd’hui. Mais je n’avais absolument pas la moindre idée que ce que je fais maintenant pouvait même exister… il y a quatre ans. En fait, je pense que j’étais sensible à ce qui me passionnait sur le moment et j’ai suivi mon instinct, en faisant, à chaque fois, des choix légèrement risqués et … c’est devenu mon métier.
Je l’ai fait, mais je ne savais pas que cela me demandrait de faire des études à l’université. Au lycée, j’ai eu la possibilité d’entrer dans une grande école d’art, mais je n’étais pas sûr que cela me corresponde. Je suis allé à l’université et j’ai choisi d’étudier le droit international de l’environnement, car je suis très sensible à la question écologique. J’ai fini par laisser tomber et je suis parti faire du surf pendant un bout de temps. Un ami surfer m’a conseillé de trouver un travail et c’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler dans une entreprise de jeux vidéo. Après les jeux vidéo, j’ai travaillé pour une entreprise de vidéos musicales, ce qui m’a ensuite amené vers la technologie, où des personnes m’ont parlé d’UX et cela m’a amené à Hyper Island où j’ai découvert l’empathie, je ne savais même pas que l’empathie ça s’apprend. Quelque part, c’est ce qui m’a conduit à l’intelligence artificielle… étape après étape, mon parcours ne parait pas très cohérent. Mais pris dans sa globalité, il a du sens.
Quelles seront vos priorités pour l’an prochain ?
Austin Beer : Deux choses. Je veux d’abord devenir un très bon grimpeur. Je vais donc essayer de me concentrer sur la pratique de l’escalade. Ensuite, je veux vraiment comprendre comment nos rôles et nos responsabilités évoluent avec l’intelligence artificielle. Explorer les compétences qu’il me faut acquérir maintenant. Et aussi réfléchir à des façons de mettre ces compétences en pratique et, bien entendu, partager ce que j’apprends avec les autres.
Avez-vous une idée de ce que pourraient être certaines de ces compétences ?
Austin Beer : Certaines se rapportent à ce que nous concevons actuellement, comme la personnalisation ou les systèmes de recommandation. Mais l’objectif, c’est plutôt le design de données. Nous devons définir les données dont nous avons besoin pour le design d’expérience. Ajuster notre manière de collecter l’information afin que l’expérience soit, au final, encore meilleure. Être capable de communiquer ces besoins à l’ensemble de l’organisation et aux autres designers. Nous comprenons les données dans un sens général, mais nous allons devoir gagner un peu en précision sur la façon dont nous travaillons avec ces données. Il me reste à creuser ce language de façon plus précise afin de permettre aux techniciens et aux analystes de données de comprendre comment j’articule mes hypothèses. Cela me fait un peu penser à la situation dans laquelle on se trouve lorsqu’on doit s’exprimer dans une nouvelle langue. En visite à l’étranger, plus vous êtes à l’aise avec la langue, plus c’est facile de commander un café.
Quel conseil donneriez-vous à vos collègues pour préparer l’avenir ?
Austin Beer : J’ai parfois tendance à dire qu’en matière d’avenir, il convient de concevoir de petites expériences pour cerner le futur que nous souhaitons. Nous ne réfléchissons pas assez à notre conception d’un avenir formidable. Nous devrions véritablement y réfléchir, imaginer tout ce monde qui nous entoure, en le visualisant, et penser à la façon dont il prend forme. J’ai investi le champ du design et de l’intelligence virtuelle non pas parce que j’étais passionné par l’intelligence artificielle (IA), mais par ce que j’essayais de me représenter comment les utilisateurs allaient y être véritablement confrontés. Où rencontrera-t-on l’IA dans le monde ? Cela m’a amené à explorer en profondeur les conditions dans lesquelles ellen devient tangible. Même chose avec l’avenir. Projetez-vous dans l’avenir : quelles surprises incroyables nous réserve-t-il ? Qu’est-ce qui le rend tangible ? Puis essayer de le faire advenir maintenant. Les gens qui conçoivent l’avenir auraient vraiment intérêt à réfléchir à ce qu’ils aiment et comment en faire une réalité concrète aujourd’hui.
Quelle est, pour vous, le plus grand défi dans le domaine de l’intelligence artificielle ?
Austin Beer : Pour moi, c’est d’enseigner aux autres que ce n’est pas compliqué de travailler dans l’intelligence artificielle ou de s’y mettre. Pendant longtemps, les gens ont eu vraiment peur des technologies de programmation, qui peuvent comporter des langages et des syntaxes difficiles à comprendre. Les gens se sentent un peu démunis, car cela leur paraît complexe. Mais en réalité, ce n’est pas si complexe une fois que vous y avez goûté. Il y a une science informatique à comprendre, lorsqu’on travaille avec ou que l’on conçoit avec. C’est comme n’importe quel autre support avec lequel on doit travailler et que l’on doit maîtriser. Selon moi, ma plus grande opportunité, c’est de parvenir à dissiper les craintes autour de cette thématique.
Ai-je oublié quelque chose ? Quelle question, selon vous, aurais-je dû vous poser ?
Austin Beer : Comme mon mentor chez Hyper Island dirait : Sur quoi travaillez-vous et comment puis-je vous aider ?